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Pourquoi Debussy c'est le meilleur (1)

Avertissement au lecteur : attention, les textes qui suivent contiennent des scènes ou des idées pouvant heurter les esprits un peu fatigués. Désolé, ça peut pas être de la gaudriole tous les jours, non plus. Promis, juste après ça, un épisode de Djoni.



    Expliquer Debussy, c'est pas vraiment commode. Surtout avec des mots, et que des mots.
Ce ne sera donc pas la moindre des entreprises masochistes et des gageures totalement stupides  et vouées inexorablement à l'échec de ce blog, qui déjà en lui-même est un pari insensé en forme d'autopunition qui prouve, si besoin était, l'état déliquescent des fonctions affectives et cognitives de l'auteur.

    Raconter Debussy, je veux dire la musique de Debussy, parce que savoir avec qui il a couché ou quels pays il a visité, avec les dates précises et tout, ça relève plus de Paris-Match que de l'Art musical, donc, raconter Debussy, c'est aussi raconter l'Histoire de la musique, et même du coup raconter comment ça marche l'Art musical occidental dans son intimité la plus profonde. Et on peut pas dire qu'elle soit vraiment sexy.

    Accrochez-vous les gars, ça va remuer un tantinet.

    Bon, des compositeurs intéressants, il y en a des tas. Des compositeurs géniaux, moins, mais quand même.
    Mais des compositeurs qui renouvellent complètement la vision (sic) que l'on peut avoir de la musique, sur ce qu'est la musique, et sur comment on fabrique de la musique, alors là, ça se compte sur les doigts d'une main.
    Pour ça, il faut un caractère bien trempé et un moment clé.
    Genre Beethoven. Un sacré bougre de tétu, qui arrive au début du romantisme, au moment où le classicisme menace de tourner en rond : baoum, la musique explose.
    Genre Monteverdi. Je sais pas si c'était une forte tête, mais alors que le contrepoint Renaissance commence à se mordre la queue à force de raffinements, monsieur invente le Baroque en musique, avec l'harmonie, la basse continue, l'opéra et tout et tout.

    Hé bien Debussy, c'est la même engeance. Lui, son moment clé, c'est quand le romantisme s'est tellement boursouflé que les bases du langage alors utilisé commencent à vaciller dangereusement.
    Et alors c'est précisément là que ça commence à devenir horriblement compliqué pour moi et incompréhensible pour vous (non mais dans quoi je me suis lancé, aussi, je me le demande. Dire qu'il y en a qui font des blogs sur Laurie ou sur Johnny, tout simplement).

    Essayons d'être clair (ha ha ha).

    Donc Monteverdi, en gros, invente le style baroque qui va évoluer, se rationnaliser et aboutir au pur classicisme. Celui-ci, représenté essentiellement par les fils Bach, puis Haydn et Mozart, consiste en un langage musical très hiérarchisé, et basé essentiellement sur un moteur harmonique.
    C'est à dire que l'espace musical est schématiquement disposé en couches: en bas, la basse (ça a l'air con, comme ça, mais...), au milieu, l'accompagnement qui complète l'harmonie suggérée par la basse (i.e. les accords qui se succèdent), et au-dessus la mélodie. À noter qu'à l'audition, c'est la mélodie que l'on suit comme élément prépondérant, alors qu'à la composition, dans les coulisses de la machinerie interne, la mélodie est entièrement dépendante de la marche de l'harmonie, et, en particulier, de la basse.
    Cette harmonie suit quand à elle des règles assez strictes ; enfin, quand je dis règles, c'est pas vraiment des règles (c'en devenu par la suite quand on a voulu fabriquer des manuels d'apprentissage et qu'on a inventé le pire épouvantail pour faire fuir n'importe qui, je veux dire le solfège), mais disons plutôt une sélection intuitive de procédés jugés bons au cours du temps (un peu comme l'agriculture, ou la médecine*).
    Ces pseudo-règles, donc, définissent un cadre bien défini qu'on appelle système tonal ou tonalité. Il s'agit de savoir quels accords peuvent succéder à tels autres pour que ça «sonne» bien (dans le cadre de l'époque classique), mais surtout de l'affirmation de la tonique et de la dominante, et de deux modes très spécifiques.

    La tonique, et l'accord qui lui est lié**, est la note principale, autour de laquelle le morceau entier va tourner, une sorte de fondation, de point de départ et d'arrivée. Ainsi, quand on dit qu'une symphonie est en ré majeur, ça veut dire en particulier que la note est la tonique de ladite symphonie ; ainsi, la première note de cette symphonie, au moins à la basse, sera vraisemblablement un , ainsi que la toute dernière note sur laquelle elle se terminera.
    La dominante est à la quinte de la tonique (cinq notes au-dessus dans les degrés de la gamme) : contrairement à la tonique, c'est un élément instable, qui demande à être résolu, sur, justement, la tonique. Par exemple, les deux premières notes de la Marseillaise, ou du thème de Star Wars (et presque de celui d'Indiana Jones), c'est dominante puis tonique, avec la tonique sur le premier temps fort, alors que la dominante est sur la levée, rythmiquement instable, comme pour retomber sur la tonique et se projeter sur celle-ci (et remarquez que la dernière note de la Marseillaise, sur le «ons» de «sillons», celle sur laquelle on se sent bien avoir fini, à tel point qu'on en rajoute des «taratatam» et autres «poil au bidon», c'est bien évidemment la tonique).
    La tonique, seule, est inerte, alors que la dominante apporte le déséquilibre, l'ouverture et donc le mouvement.

    Cependant, cette bascule essentielle entre ces deux pôles, qu'on appelle cadence parfaite, se joue principalement en coulisse, à la basse, sans que ce soit au premier plan : malgré cela, c'est bien ce système qui définit la progression du morceau en général, et des mélodies en particulier. Bien qu'entendue au second plan et pas forcément de manière consciente par un auditeur lambda qui ne s'y connaît pas plus que ça, le sentiment généré par cette bascule est parfaitement puissant, et oriente totalement notre écoute (si si).

    Quant au mode, il s'agit de l'échelle de notes que l'on se choisit entre une octave (répétition de la même note mais plus aiguë, on l'obtient en multipliant par deux la fréquence, et c'est la toute première harmonique d'un son, c'est donc l'intervalle de base, l'espace élémentaire dans laquelle toutes les musiques s'inventent).
    Il y a des milliers de possibilités pour choisir une échelle de notes entre une octave, mais le classicisme occidental (et le baroque avant lui) a sélectionné principalement le mode dit «majeur» (c'est tout simplement la gamme de do, do-ré-mi-fa-sol-la-si-do), et puis un petit frère pour lui faire une alternative, le mode «mineur», présenté souvent sous plusieurs formes parce qu'on est forcé de le tirailler un peu pour le faire rentrer dans les schémas harmoniques idéalement faits pour le mode majeur (ça donne, toujours en partant de do, do-ré-mib-fa-sol pour le début, et soit lab-sib-do, soit la-si-do pour la fin. En fait, l'important c'est surtout le mi bémol, qui contraste avec le mi normal du mode majeur. Il suffirait que je vous chante «Frère Jacques» en mode mineur pour que vous compreniez tout de suite).

    Je résume : nous avons donc une échelle de note, les modes majeur ou mineur, et parmi ces notes, deux ont des fonctions privilégiées, la tonique (stabilité, ou, harmoniquement parlant, consonance), et la dominante (instabilité, ou dissonance), avec toutes deux leur accord associé**.

    À ce stade, vous regardez pensivement les bulles générées par l'aspirine effervescente dans le verre que vous tenez à la main, et vous vous demandez d'une part, quel rapport y a-t-il avec Debussy, et d'autre part, qu'est-ce que vous foutez sur un blog pareil.

    Et pourtant, il faut encore que je vous parle de la forme.

     (en annexe : petit schéma)

* j'ai dit une connerie ?
** c'est à dire un empilement d'une tierce et d'une quinte ; en do majeur, par exemple, l'accord de tonique est constitué de do-mi-sol (do-mi, c'est la tierce, do-sol c'est la quinte), l'accord de dominante par sol-si-ré.
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P
Your explanations were enough to identify the best things related to Debussy. Thanks for the necessary statements to give a good understanding about it. I think you cannot give a better explanation than this related to the various tones. Cheers.
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K
Ben voilà ! moi qui adore massacrer Debussy, Chopin ou Satie sur mon piano, là, j'vais plus oser pendant au moins deux mois, dès fois que des passants pas trop sourds auraient lu ce blog.... j'suis foutue ! Faut dire que je joue comme un pied. Enfin bref ça m'a rappelé des souvenirs ( ancien j'suis une vieille croute) et j'attends comme tout le monde...la suite !
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D
>Ardalia : atteeeends, oulàlà, on y est pas encore, à Debussy.<br /> Y'a encore largement de quoi rien comprendre avant... :o/<br /> <br /> Les personnes qui ont le droit de me pisser à la raie se compte sur les doigts de pied d'un cul-de-jatte. Dont acte.<br /> <br /> Et merci de trouver ça passionnant : ça me donne le courage de poster le prochain article...
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A
Bon ben plus qu'à réréréréécouter la Mer que tu m'as obligée à acheter sous la menace du suicide ce qui est vraiment très bas de ta part.Sinon, merci, hein c'est passionnant tout ça, et même que je déprime même parce que je serais jamais capable d'écouter toutes les nuances de poil de cul, parce que c'est passionnant de sa mère grave!Voilà voilà.On ne peut plus te pisser à la raie? Pourquoi, tu es fâché?Ah non, pas taper, hein! D'ailleurs on ne frappe pas une femme, même avec une rose! huhu...Ah tiens, lessive à faire! Je sors je sors!
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A
Djac : je sais ;-)Cela dit tu n'avais pas totalement tort, le milieu des bibliothèques territoriales (municipales, départementales) serait paraît-il très sensible au piston, logique quand on dépend si étroitement des élus, mais je ne bosse pas là...
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