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Je suis Grand et Impérial

J'en étais venu à boire du thé par un choix négatif.

 

En effet, des deux autres boissons couramment admises pour le petit déjeûner dans notre belle civilisation française ne m'était pas advenu la satisfaction que j'en attendais, à savoir :

1/le café, dont l'amertume d'une part, et l'absence d'apport calorique d'autre part, m'ont naturellement éloigné de ce breuvage dans le cadre des petits déjeuners enfantins ;

2/le chocolat au lait, qui m'a accompagné longtemps le matin, mais qui a fait naître lentement mais sûrement une aversion irréductible, à cause du lait qu'on fait chauffer et qui produit deux trucs horribles : l'odeur (épouvantable) et les petites peaux (rien, pas même les efforts pourtant méritoires des accessoiristes de cinéma pour rendre visqueusement immonde la créature des films Alien, rien n'égale en horreur absolue les petites peaux du lait).

 

À l'issu de ce bilan, donc, il ne me restait que le thé comme voie de salut, mais, vous l'avez compris, comme choix plus utilitariste qu'autre chose, finalement. On se dit qu'il faut bien boire quelque chose de chaud le matin, en vertu de ces préceptes de type grand-parental, qui finissent par devenir des vérités transcendantales auxquelles il ne faut pas déroger sous peine d'encourir les pires maux dans d'atroce souffrances, et s'il faut boire quelque chose de chaud le matin et que ce ne peut être ni du café ni du chocolat au lait, il ne reste que le thé - le velouté de tomates avec des croûtons le matin étant exclu des habitudes de civilisation qui sont les nôtres, bien que finalement on ne puisse que le regretter.

 

Un jour, ma mère m'avait acheté des sachets de thé provenant d'une boutique spécialisée, en demandant conseil au monsieur ; il s'agissait de vérifier, puisque j'aimais le thé, si ce qu'on dit est vrai, à savoir que la dégustation de thé peut-être aussi riche que celle du vin, avec des goûts envoûtants et variés et subtils et délicats et tout ça.

Le résultat obtenu, après avoir pourtant bien étudié le dosage et la température de l'eau, dans un cérémonial mystique plein de respect, fut plus proche d'une infusion de foin que d'un nectar aux milles variétés.

Après quelques autres essais pour la forme, j'en revins donc, contrit et contraint, aux sachets Lipton.

 

Mais voilà que ma chère et tendre boit aussi du thé.

Non seulement cela a tendance à montrer qu'elle n'est pas ma chère et tendre pour rien, mais en plus cela mène à de drôles équations, du genre 1+1=3, qui se rapprochent du phénomène physique de la résonance. Tout seul je buvais pas mal de thé, à deux on s'est mis à en biberonner des litres.

Et du coup, fatalement, nous voici en route pour le paradis du thé, le magasin presque le plus bobo de Paris, à savoir le Palais des thés (le magasin le plus bobo de Paris étant le concurrent direct, Mariage Frères).

 

En effet, hormis quelques touristes ou quelques naïfs, on y trouve - comme dans l'ensemble du quartier du Marais, sans doute - le type du bobo le plus classique : le gars, faussement ébouriffé (c'est étudié), avec des fringues faussement cools (c'est étudié, et ça vaut cher, à ne pas douter), qui se la joue donc "je suis un gars bien dans ma peau, vaaachement cultivé, vaaachement peuple, vaaachement fun, t'ois", et qui pourtant, par ses achats, par ses regards et la manière dont il parle, hurle exactement le contraire ("je suis plein de pognon, je suis beau et au-dessus du lot, je me la pète à mort, et je vous emmerde").

 

Bon.

Mais enfin, à part des bobos, il y a aussi du thé au Palais des thés, et c'est bien l'essentiel.

Et là, là, alors là, ouais, d'accord, en effet, j'ai fait le test, et là d'accord : là, le thé, c'est autre chose.

En plus, c'est pas pour me vanter mais j'ai fait cadeau à ma chère et tendre d'une magnifique théière en fonte, propice à recueillir et faire s'épanouir en son sein les meilleurs nectars, et nos essais sont plus que concluants : le thé du Hammam est assez doucereux (pas trop mon truc), le thé russe aux 7 agrumes a quelque chose d'amer (j'aimais bien au début, mon intérêt baisse), le roiboos(1) à la vanille est un délice, et le Grand Jasmin Chun Feng est un autre délice, mais pas pareil.

Cependant, personnellement, mon préféré, hors des mélanges complexes, c'est finalement la simplicité même : j'ai nommé, le Grand Yunnan Impérial - ta-daaam.

 

Bon, déjà, hein, quand j'en bois, je me sens Grand et Impérial, ce qui est somme toute la moindre des choses et qui convient tout à fait à mon égo ; seul, beau, grand, en chaussette et caleçon, ma tasse à la main, me voici Empereur de la cuisine, ça le fait.

Ensuite, comme goût, c'est plus profond et plus rond que les autres, ça va jusque dans le nez, comme les vins, bref, c'est bon.

 

Alors, paraît-il, que la cueillette de printemps des Darjeelings, ça serait encore plus meilleur, et que le thé blanc, alors là attention les yeux, tout ça tout ça.

Bon on verra, mais les prix sont cette fois très élevés, et, quand on a un Bourgogne à prix raisonnable à disposition, faut-il vraiment aller chercher des Bordeaux hors de prix ?

 

J'ai peur d'être déçu.

C'est que, je voudrais bien faire mon bobo, moi aussi, et nager dans un luxe à faire désespérer Épicure, mais il me manque la matière première : le pèze.

 

(1)le thé rouge - c'est pas du thé en fait.

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D
>Lorraine : du métal, pour une petite chose hurlante, est-ce bien raisonnable ?<br /> <br /> Attention, tout de même : avec l'argument qu'"on meure bien de quèque chose", on peut justifier tout et n'importe quoi, à consommer donc avec modération - de même que l'eau, pas toujours si nette que ça. Paranoïa ou information ?
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L
Maismaismais, que me voilà aimablement flattée ! Pour la peine, je m'engage à aller essayer un jour le thé Kusmi pour que tu n'aies pas à entrer dans la boutique de sinistre décoration...Pour l'éclectisme de l'éducation musicale de Petite Chose, don't worry : il faudra bien qu'elle en passe par beaucoup de trucs, y compris des trucs en provenance de la cd-thèque paternelle (métal, métal et métal pour mémoire). Et elle m’a entendu jouer (mal certes) du jazz avec un atelier d’orchestre toute l’année scolaire, depuis mon giron. Je vais m’efforcer de suivre tes prescriptions néanmoins. Pour la carafe filtrante et l’eau (qui coule) de source : je salue les propos de l’éminence Brendufat, et t’encourage à une paranoïa modérée quant à ce qui coule de nos robinets parisiens (je ne nie pas que dans certaines régions de France, mieux vaut peut-être payer cher une eau nitratée en bouteille). Il faut bien mourir de quéqu’chose, ma brave dame, et je pense qu’un parisien mourra par les poumons bien avant que de trépasser par le tube digestif à cause de l’eau qu’il ingurgite…J’ai quand même l’impression que tu hésites toujours ! Br*ta ou Cr*stalline ? Suspense !;o)
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D
>Klari : tiens c'est rigolo, moi aussi !<br /> <br /> >Brendufat : ô cher grand maître, à l'esprit acéré, je me permet de contester quelque peu un point.<br /> <br /> Ça dépend d'où vient l'eau du robinet. Parce que quand on se renseigne à fond, on peut avoir des surprises. Par exemple, pas mal de villes du Sud de la France sont alimentées par le Rhône ; or, des études indépendantes font état de taux de radioactivité anormaux (y'a des centrales sur le Rhône), ainsi que pollué par des polychloro-biphényle (au moins).<br /> Dans ces conditions, préférer avaler de l'eau de source, même sachant qu'on trouve désormais des traces de nitrates et de pesticides dans les nappes phréatiques, ce n'est pas forcémentt si stupide, vu qu'en particulier, ta carafe est certes filtrante mais pas magique, et en particulier je la vois mal réduire la radio-activité.<br /> :o/<br /> <br /> >Lorraine : les sœurs divorce dans la cabane des thés ?<br /> Ta-ta-ta, on se bouge, et on lui fait écouter de tout à la petite chose, du renaissance, du Debussy, du Purcell, du Monteverdi, du Ravel, du Rimsky-Korsakov, du Prokofiev, du Brahms, du Bartok, et oui pourquoi pas du moderne et du contemporain, allez hop hop hop. Comme ça, elle aura une ouverture sur le monde et une richesse intérieure fascinante - comme sa mère - ha haaaaaa.<br /> <br /> Kusmi, moi vivant, je rentre pas dedans. Trop moche.
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K
Ca me tente bien, cette carafe filtrante... (je ne les regretterai pas, les plaques de tartre sur la résistance de la bouilloire)
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B
Lorraine a plusieurs fois raison :1- la qualité de l'eau joue vraiment, pour le thé plus encore que pour le café.2- l'eau de source est un piège à çons, d'où son énorme succès. Les eaux en bouteilles peuvent être des eaux minérales, de source thermale, avec des propriétés thérapeutiques (Contrexéville, Evian, Vichy...) et une composition surveillée par le ministère de la Santé. Pratiquement des médicaments (et d'ailleurs autrefois vendues seulement en pharmacie), en boire toute la journée est un contresens (Monsieur Contrex n'est pas mon copain).Ou bien ce sont des eaux de source (tout court). C'est à dire qu'elle viennent d'un coin particulier, nommément désigné, voilà tout. Aucune garantie de composition. Les gens de ce coin particulier boivent la même eau à leur robinet, les autres ont le privilège de payer cette eau du robinet exotique 5 à 10 fois son prix et de la monter chez eux.3- la carafe filtrante est un excellent système. Tu pourras, de plus, oublier la corvée de détartrage.4- et la porcelaine (même la blanche toute simple et pas chère), c'est la moindre des choses pour apprécier ce qu'on boit....Wahhh... il est l'heure d'un petit café !
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